RN 88 : le projet validé sous réserve d’une meilleure protection de la biodiversité

Décision de justice
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Le Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand valide, après l'avoir amendé, l'arrêté du Préfet de la Haute-Loire du 28 octobre délivrant une autorisation environnementale portant sur les travaux d'aménagement de la route nationale N°88 consistant en la création d'une déviation entre les communes de Saint-Hostien et Le Pertuis

Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a été saisi de plusieurs requêtes tendant à l’annulation de l’arrêté du 28 octobre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Loire a accordé à la région Auvergne-Rhône-Alpes, sur le fondement des dispositions de l’article L. 181-1 et suivants du code de l’environnement, une autorisation environnementale portant sur les travaux d’aménagement de la route nationale n°88 consistant en la création d’une déviation entre les communes de Saint-Hostien et Le Pertuis.

Ce contentieux s’inscrit dans un cadre très juridique très précis contenant deux spécificités. Ainsi, il appartenait au tribunal, en sa qualité de juge de l’environnement statuant en plein contentieux :

  1. Tout d’abord, d’apprécier le respect des règles relatives à la forme et à la procédure au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation. En revanche, s’agissant des règles de fond, c'est-à-dire, dans le cas présent, des mesures prévues pour limiter l’impact du projet sur l’environnement, il doit tenir compte de celles qui sont en vigueur à la date à laquelle il rend son jugement.

  1. Ensuite, s’il relève que l’autorisation environnementale méconnaît une règle de fond applicable à la date à laquelle il se prononce, il peut, dans le cadre de son office de plein contentieux, lorsque les conditions sont remplies, modifier ou compléter l’autorisation environnementale délivrée afin de remédier à l’illégalité constatée, ou faire application des dispositions de l’article L. 181-18 du code de l’environnement c'est-à-dire sursoir à statuer en laissant un délai à l'administration pour réformer sa décision au regard des illégalités relevées par le tribunal.

Enfin, une autre règle s’impose à lui : s’il est constaté des inexactitudes, omissions ou insuffisances dans l’étude ou lors de l’enquête, ces circonstances ne sont susceptibles d’entraîner l’illégalité de la décision que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

C’est donc dans ce cadre juridique très précis qu’a été examinée la légalité de l'arrêté préfectoral.

Le tribunal administratif a tout d’abord validé la procédure suivie. En particulier, il a jugé, alors même que l'étude d'impact avait été complétée en cours d’instance, que les informations complémentaires qu’elle apportait n’était pas de nature à remettre en cause l’ensemble des données contenues dans l'étude d'impact initiale qui étaient suffisantes pour apporter une information adéquate au public.

Sur le fond, il était principalement contesté le fait que l'arrêté attaqué accordait une dérogation à l’interdiction de porter atteinte à certaines espèces protégées malgré les mesures dites d’évitement, de réduction et de compensation qui devront être mises en place. Cette dérogation ne peut être accordée que si le projet répond, notamment, à un intérêt public majeur.

Le tribunal a estimé que cette condition était en l’espèce remplie en prenant en compte plusieurs considérations, en particulier, celles relatives à la sécurité routière et à la préservation de l’environnement des deux communes traversées par l’actuelles RN n°88, les communes de Saint-Hostien et du Pertuis qui regroupent environ 1 200 habitants, la première ayant, en outre, une école publique près de l’actuelle route alors qu’elle supporte un trafic journalier de 14 000 véhicules. Il a, par ailleurs, vérifié que les autres conditions prévues par la loi pour accorder la dérogation étaient remplies, à savoir l’absence de solution alternative satisfaisante et celle de ne pas nuire « au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ».

Il a cependant constaté que si les mesures de compensation prévues dans l'arrêté préfectoral étaient satisfaisantes, en revanche, il ne prévoyait leur finalisation, pour la compensation des zones humides et des espèces protégées au plus tard avant la fin des travaux alors que selon les dispositions de l’article L. 163-1 du code de l’environnement, elles doivent être effectives pendant toute la durée des atteintes à la biodiversité. Le tribunal a donc relevé cette irrégularité et, mettant en œuvre les pouvoirs qu’il détient en sa qualité de juge de l’environnement, a complété l'arrêté préfectoral en y ajoutant,  que si certaines mesures ou travaux sont susceptibles de porter atteinte, dans leur périmètre d’exécution, à la biodiversité, les mesures destinées à compenser cette atteinte et portant sur ces périmètres devront être réalisées avant leur exécution, le cas échéant en proximité fonctionnelle de l’emprise du chantier comme l’autorise la loi.

Décision n° 2100167

Association France Nature Environnement et autres